Vol. 275

n°3 de 2015
69ème année

pp. 125 et s.

Chronique de droit aérien

sous la responsabilité de

Vincent Correia

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Editorial

Vincent Correia

Professeur de droit public à l’Université de Poitier

A la veille de l’importante conférence des parties (COP21) qui se tiendra à Paris en novembre et décembre 2015, le monde de l’aviation s’interroge naturellement sur les évolutions futures du mécanisme européen de réduction des gaz à effet de serre, appliqué au transport aérien en vertu de la directive n° 2008/101 .

Désireuse de remplir les objectifs fixés par le Protocole de Kyoto, l’Union européenne a décidé d’agir, seule, après des années d’inaction de l’Organisation de l’aviation civile internationale.
Loin d’être seulement avant-gardiste, l’initiative de l’Union européenne était également ambitieuse : les transporteurs aériens d’États tiers volant au départ ou à destination de l’Union se trouvaient soumis à ce mécanisme à partir du 1er janvier 2012. L’opposition des partenaires de l’Union a été d’une ampleur inégalée, face à un instrument qui leur apparaissait tout à la fois unilatéral et d’application extraterritoriale. En marquant leur vive désapprobation, de discours en déclarations ou par la voie d’actions en justice , tout en brandissant la menace de renoncer à l’achat d’appareils Airbus, les États tiers ont réussi à faire reculer l’Union européenne.
Celle-ci a en effet décidé de suspendre l’application de son mécanisme aux compagnies d’États tiers , jusqu’en décembre 2016 .
Loin de renoncer, l’Union européenne utilise également la menace, à savoir l’application de son mécanisme aux compagnies d’États tiers à partir de janvier 2017, pour contraindre ses partenaires à trouver un accord au sein de l’OACI.

Ce sujet, brûlant d’actualité, est révélateur d’une faiblesse institutionnelle majeure pour l’Union : dans un ordre international marqué par le principe de souveraineté aérienne, les États continuent de jouer un rôle central, notamment en ce qui concerne les négociations au sein de l’OACI.
L’unilatéralisme de l’Union en matière environnementale n’est ainsi que la réponse à son incapacité à convaincre les États tiers par la voie négociée.
La représentation des intérêts européens au sein de l’OACI est en effet fragmentaire et incomplète.
L’Union ne dispose que d’un statut d’observateur non permanent, peu à même de lui permettre de s’exprimer pleinement dans les domaines relevant de ses compétences.
Les États membres de l’Union, quant à eux, ne sont pas tous représentés au Conseil de l’OACI et doivent ainsi s’accommoder d’une représentation tournante, informellement institutionnalisée par l’intermédiaire des « groupes de rotation », qu’examine en détail M. Vaugeois dans la présente chronique.
L’apport d’une telle étude est évident : outre la présentation d’une réalité politique et institutionnelle parfois ignorée, l’auteur soulève la question de la représentation adéquate d’un ensemble régional qui représente une part non négligeable du trafic aérien international.
Sur le plan institutionnel, ces groupes de rotation ne sauraient constituer la panacée, mais leur simple existence met au jour les dynamiques de coopération au sein d’une Europe de l’aviation civile qui dépasse les seules frontières de l’Union européenne.
Il reste à savoir, toutefois, si ces « arrangements » apportent des bénéfices autres que la seule réduction des coûts et la certitude de pouvoir être représenté au Conseil de l’OACI lorsque le moment est venu.
Dans tous les cas, faute de pouvoir raisonnablement envisager d’amender la convention de Chicago pour permettre l’adhésion et, ainsi, la représentation des organisations régionales d’intégration, il semble que les groupes de rotation aient de beaux jours devant eux.

Le présent numéro de la Revue française de droit aérien et spatial inaugure également la chronique de jurisprudence de droit aérien du Professeur Ph. Delebecque, qui a bien entendu vocation à devenir pérenne.
Couvrant l’année 2014 et le premier semestre de l’année 2015, cette chronique ravira assurément le lectorat, tant par la diversité des questions abordées, que par les mises en perspective, éclairées, de leur auteur.
Dans le même temps, nous attirons l’attention des lecteurs sur le commentaire de l’arrêt van der Lans c/ KLM de la Cour de justice de l’Union européenne, réalisé par N. Rouissi et figurant dans la section jurisprudence de ce numéro.

Cette chronique de droit aérien se termine par une note de bibliographie de P. Dupont, détaillée et révélatrice de la richesse du sujet abordé, sur l’ouvrage Guerre aérienne et droit international humanitaire, sous la direction d’A.-S. Millet-Devalle.

Directive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 modifiant la directive 2003/87/CE afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, JOUE L 8, 13 janvier 2009, pp. 3-21.

CJUE, 21 décembre 2011, Air Transport Association of America e.a., aff. C-366/10, Rec. 2011 p. I-13755.

Décision no 377/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2013 dérogeant temporairement à la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, JOUE L 113, 25 avril 2013, pp. 1-4.

Règlement (UE) no 421/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, en vue de la mise en œuvre, d’ici 2020, d’une convention internationale portant application d’un mécanisme de marché mondial aux émissions de l’aviation internationale, JOUE L 129, 30 avril 2014, pp. 1-4

 

La représentation des Etats européens
àu sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale
à l’aube de la trente-neuvième session de l’Assemblée

Mathieu Vaugeois
Membre du Barreau du Québec et détenteur d’une maîtrise en droit des affaires LL.M. de l’Université de Montréal et d’une maîtrise en droit aérien et spatial LL.M. de l’Université McGill.

I – La représentation européenne dans les principales
I – instances de l’OACIA.

A. La présence européenne à l’Assemblée
B. La présence européenne au Conseil

II – Les groupes de rotation européens à l’OACI 

A. Généralités
B. Les groupes européens à l’OACI

 

Chronique de jurisprudence
de droit aérien

Philippe Delebecque
Professeur à l’Université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne)

La Revue française de droit aérien et spatial a bien voulu nous demander d’assurer une chronique annuelle de droit aérien pour recenser et commenter la jurisprudence dont on ne saurait nier aujourd’hui la qualité de source de droit. Nous l’en remercions et c’est avec grand plaisir que nous ouvrons cette première chronique qui couvre l’année 2014 et le premier semestre de l’année 2015. Elle est axée principalement sur les opérations de transport, mais a vocation à s’élargir, en fonction de l’actualité, à tous les aspects de droit commercial aérien, d’où le plan que nous proposons ordonné autour de l’aéronef, des entreprises aériennes et des contrats, dont le transport et l’affrètement. Si la rubrique « aéronef » est encore vide cette fois-ci, elle est appelée à se remplir rapidement avec des décisions attendues en matière de sûretés ou encore de construction et de vente. 

I. L’aéronef
II. Les entreprises

III. Les contrats